I Agressivité : Pour qui ? Pour quoi ? Comment ?
“Il n’y a point de perversité originelle dans le coeur humain. Il ne s’y trouve pas un seul vice dont on ne puisse dire comment et par où il est entré” J.J Rousseau, Emile ou de l'Éducation. Paris : Garnier Flammarion 1987 (édition originale 1762), p 81.
La définition d’un comportement agressif repose souvent sur le jugement propre, définit par la culture, l’éducation et l’histoire personnelle. C’est donc souvent le niveau de tolérance de l’adulte qui juge le geste de l’enfant; pour certains un enfant sera étiqueté comme “agressif”, alors que pour d’autres il sera juste un enfant “dynamique”, et pour d’autre encore “à fort caractère”. Alors où place t-on la limite?
Dans Psychologie de l’enfant. Montréal : Gaëtan Morin éditeur, 2005, p 378, R. Cloutier,P. Gosselin et P. Tap. définissent l’agressivité comme des “conduites anti-sociales qui consistent à agresser les autres physiquement ou verbalement”. Dans cette définition on distingue le terme de conduite antisociale, qui réfère à une façon destructive de réagir, au terme de conduite sociale : solutions trouvées sans porter atteinte à l’autre, sa personne, ses possessions. On peut également ajouter le terme de conduite asociale lorsque l’on s'exclut passivement du conflit sans réagir.
Le docteur Donald W. Winnicott nous dit : “je dirais que l’agressivité a une double signification. Elle est d’abord une réaction directe ou indirecte à la frustration. Elle est aussi l’une des deux sources principales d’énergie chez l’individu.”, en expliquant que “Les origines de l’agressivité renvoient à la motricité du nourrisson.”. Il explique “Ces premiers coups de pieds ou de poing amènent le nourrisson à découvrir le monde qui n’est pas son self et marquent le début de sa relation avec les objets externes. On nommera bientôt comportement agressif ce qui, au départ, est une simple impulsion le poussant à bouger et à explorer.” Agressivité, Culpabilité et Réparation, Petite Biblio Payot Classiques 2004 p. 28, 29 et 30.
L’agressivité est à l’origine d’une envie/pulsion, un besoin ou une frustration. Elle représente donc le premier élément d’une action, d’une réaction et c’est sa conversion dans l’interaction/communication (gestuelle ou verbale), qui va nous permettre d’accéder à notre satisfaction.
Les outils dont dispose l’enfant, vont lui permettre de traduire son agressivité :
en une interaction positive : utiliser des stratégies pacifiques pour obtenir satisfaction
ou négative : comportement asocial et antisocial.
Ces outils, l’enfant les acquiert de façon instinctive, par imitation, ou par l’apprentissage. Le comportement agressif d’un enfant dépend donc de sa capacité à communiquer son besoin : de son processus de socialisation et de son adaptation psychosociale. Dire d’un enfant qu’il est agressif ou violent, est en fait un raccourci pour signifier qu’il a besoin d’être accompagné dans son humanisation.
En EAJE, l’enfant est mis en difficulté, on lui demande de vivre en petite société (selon le mode d’accueil), alors qu’il est égo-centré et que son processus de développement affectif ne lui permet pas de raisonner collectif. La qualité d’accompagnement de l’adulte est alors essentiel à la gestion positive son agressivité.
II Comprendre l’agressivité du jeune enfant
1 - L’agressivité dans les premiers déplacements
Les petits fonctionnent selon le principe du plaisir sans considération pour l’autre. Ce plaisir répond à un besoin : faim, fatigue, exploration, motricité libre, sécurité. Il explore le monde qui l’entoure par le toucher, la mise à la bouche et l’exploration comparée. Il comprend qu’il a un pouvoir sur son environnement lors de certaines actions, cherche à les reproduire puis à les diversifier. Les frustrations de l’enfant évoluent et se multiplient en parallèle du développement de ses capacités motrices ; mais lui permettent également de diversifier ses moyens de communication avec autrui.
Vers 4 mois, l’enfant acquiert la préhension volontaire de l’objet. Il n’est plus guidé par le réflexe d’agrippement, c’est lui qui tente un mouvement vers l’objet. Il découvre son pouvoir sur l’environnement : c’est la première étape de la causalité.
Vers l’âge de 7 mois le nourrisson est fasciné par la chute d’un objet. Il découvre la notion d’espace et ne comprend pas encore la notion de déplacement des objets les uns par rapport aux autres.
Si, plus tard dans son développement, ses expériences font régulièrement l’objet d’une dispute d’un adulte exaspéré, l’enfant peut en comprendre que le jet d’objet est associé à la colère. Par la suite, l’enfant peut alors s’en servir pour signifier sa colère de cette façon.
Vers 8-10 mois, l’enfant est capable de manipuler des objets et les distingue de ses mains. Il peut aussi se déplacer avec la marche à quatre pattes. Dans sa recherche d’interaction et de développement sensoriel, il va manipuler, donner et prendre ce qui l’entoure.
En décodant et en répondant aux besoins du nourrisson, parents et professionnels lui permettent l’intégration.
Grâce à l’étude de la théorie de l’attachement du Dr BOWLBY, et au travail du Dr Winnicott, on sait que la notion de sécurité interne du bébé, dans un environnement facilitant et indestructible est importante.
L’espace transitionnel mis en place lui permet alors d’être curieux, expressif et créatif. Lorsque les premiers liens sont satisfaisants, l’enfant apprend à exprimer librement ses besoins. Il développe une confiance dans les relations humaines et un riche vocabulaire d’émotions, ainsi que leurs expressions. Cela lui permet aussi de reconnaître petit à petit les émotions des autres.
“Des travaux ont démontré que les bébés habitués à des interactions actives, chaleureuses et saines avec des adultes tendaient à avoir des échanges plus actifs avec les autres bébés (Vandell et Wilson, 1987), tendance qui se poursuivrait au cours des années préscolaires (STROUFES, 1983)” selon R. Cloutier, P. Gosselin et P. Tap. Psychologie de l’enfant. Montréal : Gaëtan Morin éditeur, 2005, p 373.
De plus, S. GOLDBERG établit que les personnes plus sûres d’elles expriment plus spontanément leurs émotions et décodent mieux celles des autres que les personnes ayant vécu un faible attachement dans Attachment and development. London : Arnold Pub., 2000, p 133-149.
“Bébé Noémie adore toucher différentes textures, les jouets lisses et rugueux, les papiers froissés et collants, et aussi les cheveux, particulièrement ceux qui bougent avec leur propriétaires. Les “lulus” de sa soeur Nadine constituent sa zone d’exploration préférée, d’autant plus que les lulus sont enjolivés de rubans de satin et de cris aigus lorsque l’on tire dessus. C’est donc pour elle un jouet merveilleux, doux et sonore, et qui va jusqu’à s’agiter !” S. BOURCIER, L’agressivité chez l’enfant de 0 à 5 ans. Canada, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2008, p 24.
Au cours de leur première année, le nourrisson commence à s’intéresser aux autres enfants par explorations comparées. Les premiers contacts peuvent sembler agressifs : tirage de cheveux, morsure, lancer des objets, … mais correspondent aux capacités du bébé, proportionnelles à son développement sensori-moteur.
Il ne comprend pas encore l’effet de ses actions sur les éléments. La construction intellectuelle se fait par répétition, par oubli, et par comparaison jusqu’à ses 18 mois.
On peut l’accompagner en offrant à l’enfant des objets et un environnement adapté pour satisfaire ses besoins sensoriels et moteurs. Il faut être vigilant dans ses interactions pour lui permettre de s’épanouir en toute sécurité, pour lui-même et autrui.
Un “non” ferme et bienveillant suivi d’une explication simple et une proposition adaptée à son besoin permettra à l’enfant d’associer un interdit sans freiner son besoin d’exploration et de découverte. Besoin essentiel à l’établissement du schéma corporel,la construction du réel et l’établissement de l’intelligence pratique et situationnelle.
La confusion entre pensée animiste du Dr Piaget et une agression est aussi fréquente. Quand l’enfant prend le jouet utilisé par un autre, pour l’abandonner presque immédiatement, ou qu’il en avait un similaire à disposition : c’est le mouvement donné par son camarade au jouet et le plaisir qu’il y investit qui intéressent l’enfant, ce qui explique son désintérêt soudain lorsque le jouet se retrouve immobile entre ses mains ou sur le sol.
Les jeux de construction, de motricité et de sensorialité soutiendront l’enfant dans sa découverte du monde. Protéger et sécuriser son environnement, anticiper ses lieux de vie, de jeux et son transport permet de le laisser agir et découvrir sans avoir à intervenir constamment avec des interdits.
L’acquisition de la station debout et de la marche favorise les interactions, la curiosité mais aussi les frustrations qui en découlent. L’enfant est coincé entre à la loi de ses désirs et celle des adultes qui limite son champ d’actions.
2 - L’agressivité chez le trottineur
A partir de 9 mois, l’enfant est capable de se tenir debout, en s’appuyant sur un support. La marche se développe progressivement jusqu’à ses 18 mois, où l’on peut parler de “marche indépendante”, plus stable et maîtrisée.
Vers un 1 an l’enfant prononce déjà ses premiers mots. Il enrichit sa communication avec des intonations, puis y introduit verbes et expressions vers 16 mois; pour formuler ses premières phrases vers 20 mois.
A partir de 18 mois, la permanence de l’objet acquise, l’enfant est capable de représentation des objets et possède une image mentale de son corps.
Vers 18 mois, la représentation spatiale se met en place, l’enfant se situe dans l’espace. La causalité s'établit progressivement, il devient peu à peu capable de comprendre le résultat de ses actions.
On note l'émergence de la fonction symbolique entre 18 mois et deux ans.
Le pic d’”agressions” que l’on remarque en E.A.J.E à cette période peut se traduire dans deux axes principaux :
- L’enfant curieux apprend par ses essais et ses erreurs. Il répète et compare les réactions de son entourage à ses actions/comportements.
- Son développement affectif ne lui permet pas encore d’être capable de sollicitude vis à vis des autres. L’enfant ne dispose pas de moyen de réflexion élaborée pour exprimer ses frustrations : il crie, pleure, tape et utilise les moyens d'expression dont il dispose.
C’est justement au cours de cette période que l’enfant découvre et met en place les liens de cause à effet.
Entre 12 à 13 mois, l’enfant commence à comprendre l’émotion humaine. La stabilité et l’expressivité des réactions de ses figures d’attachements (primaires et secondaires) lui permettent de les décoder.
Entre 18 mois et 2 ans, si la conséquence de l’action demeure stable, l’information est intégrée grâce à la maturation cognitive. La pensée symbolique lui permet alors d’anticiper les réactions de son environnement.
Ces associations et ces liens de causalités lui permettent d’intégrer progressivement ses limites.
L’accompagnement à la socialisation (félicitation/interdiction), joue un rôle important dans le développement de l’enfant. Il lui permet de ne pas rester dans l’omnipotence de sa satisfaction seule au détriment des autres ; sans quoi il deviendrait tyrannique.
C’est aussi une période d'enrichissement de ses moyens d’expressions, de son langage.
L’accompagnement de l’adulte est primordial pour lui permettre de développer une communication appropriée, dans le but de satisfaire ses besoins.
L’acquisition de l’image mentale lui facilite également l’attente. Lorsqu’il sait qu’il va obtenir ce qu’il désire, il peut anticiper sa satisfaction par une image mentale de celle-ci. S’il a confiance en les adultes qui l’entourent, la parole et les repères (avant/après une activité) l’aident à mieux gérer sa frustration.
En leur expliquant, et en leur laissant le choix, quand les enfants ont confiance en leur environnement, ils ont tendance à répondre de manière positive.
Le décodage de l’enfant dans la causalité n’assure pas son obéissance. Dans son désir d’autonomie, il éprouve souvent des difficultés à contrôler ses envies. Ces mécanismes d’autocontrôle sont encore immatures et il a besoin de l’aide de l’adulte pour freiner ses comportements et trouver la solution pour répondre à son besoin “en toute courtoisie d’E.A.J.E.”.
Sandy Landy estime que les enfants dans leur deuxième année de vie obéissent aux règles 45% du temps.
Il faut aussi faire la différence entre un interdit immédiat et un interdit différé. L’enfant n’est pas encore capable de se rappeler de la quantité d’interdits qui peuplent son quotidien ni de les généraliser.
C’est vers la fin de sa deuxième année qu’il peut intérioriser quelques interdits en se disant “non” à lui même.
Avec des messages clairs, concrets, cohérents, et constants l’adulte apprend progressivement à l’enfant à gérer son agressivité de manière positive. C’est dans la répétition et la stabilité des consignes, en apprenant peu à peu à exprimer ses émotions que l’enfant développe une communication non agressive.
L’adulte doit également servir de modèle à l’enfant, car celui ci apprend beaucoup par conduite imitative. L’observateur est le premier observé.
3 - Phase d’affirmation et d’opposition
Vers 2-3 ans on observe le plus grand nombre de crises chez l’enfant. Sa quête d’autonomie et son besoin d'individualisation le poussent à se positionner et à s’opposer. Il démontre ses capacités, ses désirs, ses volontés.
Ses idées sont divisées en deux catégories : le “moi” et le “non-moi”, le “à moi” et le “pas à moi”. On peut d’ailleurs relever la quantité quotidienne des “c’est le mien” et des appropriations des enfants, entendues par les professionnels, dans les sections dite “des grands”, en collectivité.
L’immaturité du cerveau rend difficile la régulation de l’humeur et la maîtrise des émotions, qui ne sont pas encore auto-décodées par les enfants (on peut d’ailleurs se demander si ce processus aboutit un jour en observant nos propres réactions en société; qui assurent la pérennité des psychologues et psychanalystes).
Entre deux et trois ans il arrive à distinguer un certain nombre de règles si elles sont constantes et délimitées. Il arrive à les internaliser de plus en plus par dialogue intérieur.
Il est capable de se joindre à un petit groupe (notamment dans les jeux symboliques) mais préfère encore le jeu parallèle dans lequel on s’affaire côte à côte sans coopérer.
Son besoin d’autonomie l'amène à marcher, courir, escalader. Il veut tout faire comme les grands, s’identifier à l’autre, et est fier lorsqu’il réussit. Il surévalue parfois ses capacités motrices et réagit mal aux difficultés et à ses échecs car sa volonté se bute aux limites de ses capacités.
Il a besoin de s’affirmer et donc d’entrer en opposition avec l’adulte qui impose. Habillage, activité, goûts alimentaires; il est souvent facile de faire passer l’enfant du “non” au “je veux” en lui proposant un choix (simple et adapté à son développement). Respecter ce besoin lui permet de prendre confiance en lui et de s’individualiser plutôt que de partir dans la confrontation.
Pour l'aider à se calmer, l’adulte doit nommer ce qui se passe. Le langage est un outil essentiel de l’autorégulation affective et la compréhension de ses sentiments comme l’explique le dr. Françoise DOLTO. L’enfant peut mettre des mots sur l'événement ce qui l’encourage à s’exprimer.
“Les parleurs associent rapidement des images et des situations, et anticipent mieux les actions qui sont survenues. Ainsi sont-ils moins angoissés et sont-ils plus dans la parole que dans l’action.” E. ANTIER. l’Agressivité. Paris : Editions Bayard, 2002, p57
Leur possessivité (souvent vis à vis d’un jouet ou d’un adulte) va progressivement faire place au partage dans la recherche d’interaction.
Les habiletés de communication et de réflexion les aident à accepter les frustrations.
L’enfant utilise la réaction de l’autre pour adapter son comportement. Cette réaction doit être confirmée par la répétition car il a encore du mal à la généraliser, comme pour les règles et les interdits.
Importante pour l’autorégulation affective,la communication et donc le langage permet l’organisation progressive du comportement.
Choisir et comprendre ce qui est permis de ce qui est défendu réduit l’impulsivité et renforce la réflexion de l’enfant.Il se distancie de l’immédiat pour réfléchir et planifier son action.
Avant trois ans il a encore du mal à communiquer avec autrui et se réfère souvent à une figure d’attachement pour régler ses conflits. L’adulte, en replaçant le contexte, en proposant des solutions adaptées, et en l’invitant à demander à son petit camarade par lui même, encourage sa “socialisation”(trouver des comportements appropriés).
III Les outils pour accompagner l’agressivité dans le développement de l’enfant
La prévention : penser la cohérence de l’environnement au lieu de réagir
En proposant des jeux adaptés à leur développement, l’adulte guide les enfants dans leur socialisation. L'installation de toute activité doit être réfléchie pour éviter le conflit, ou le mettre en oeuvre dans l’encadrement pour orienter les enfants vers la réaction sociale adaptée. En plus du choix des activités adaptées à son développement psychomoteur, l’adulte doit aussi s’assurer que chaque enfant du groupe aura accès à son jeu (jouets en nombre suffisant), ou former un groupe réduit dans lequel il pourra accompagner chaque enfant dans la satisfaction de ses besoins.
On peut aussi anticiper la colère d’un enfant en le préparant à la déception, quand une activité dépend d’un facteur aléatoire.
Le projet pédagogique pose le cadre et les règles mis en place par toute l’équipe pour apporter constance et continuité à l’enfant.
L’approche Piklérienne
L’approche piklérienne, qui rend l’enfant acteur et non assujetti dans ses actions, est essentiel dans sa socialisation.
Il y a souvent une manière de formuler une demande à l’enfant pour que sa réponse soit un choix et donc un renforcement de sa confiance en lui.
Le prévenir dans les activités qui vont lui être proposées, instaurer des habitudes sur lesquelles il peut s’appuyer, et prévenir du nombre de tours qu’il reste avant la fin d’une activité permet d’éviter une crise inutile. De plus, cela développe sa confiance et l’expression pacifique de ses envies.
Donner le choix, prévenir, expliquer nous permet aussi de remettre en question nos actions et leur sens. Pourquoi, comment mieux adapter notre travail dans l’intérêt de l’enfant.
L’attention positive
L’attention positive et le holding valident et encouragent l’autonomie affective de l’enfant et le rassure sur sa valeur.
Porter son attention à un comportement, augmente la possibilité qu’il se répète car l’enfant est en demande d’attention. On a tendance à faire plus attention aux comportements dérangeants qu’aux comportements adéquats. Cela peut même entraîner un enfant à imiter le comportement dérangeant d’un camarade, ayant repéré que celui-ci permettait d’obtenir l’attention de l’adulte. Il est donc important de choisir de porter son attention sur les comportements que l’on veut voir se développer. Les félicitations peuvent se traduire à l’oral, par un geste de soutien ou d’aide, par un regard soutenant.
L’enfant même lorsqu’il est dans l’opposition est très attentif au regard de l’adulte sur lui. L’attention positive peut aussi être utilisée pour renforcer la socialisation de l’enfant lors d’un comportement négatif, en verbalisant ce qu’il doit et réussit à subir (attente, frustration, …).
L’expression verbale et l’apprentissage des émotions
“Depuis 60 ans les recherches démontrent qu’il existe un lien marqué entre le comportement perturbateur et le retard de langage chez les enfants, les adolescents et les adultes.” G DIONNE, R.E. TREMBLAY, M. BOIVIN, D. PLANTE et D. PÉRUSSE. Etude des jumeaux nouveaux nés du Québec, Bulletin du centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, avril 2003, volume 2 (1).
L’expression verbale et le langage permettent de communiquer. Ils soutiennent l’écoute, permettent de développer sa sensibilité à l’autre par sa compréhension, la prise de distance avec le besoin ou l’émotion immédiate, ainsi la réflexion à une façon d’agir positive.
L’adulte stimule et soutient la communication et l’apprentissage du langage. Il sert de modèle en verbalisant ses propres émotions et frustrations pour montrer à l’enfant sa façon de les résoudre. Il peut aussi mettre en place des situations où il demande à l’enfant de choisir, de dire ce qu’il veut et ce qu’il ressent pour favoriser son apprentissage par la pratique.
Passer du “non” au “je veux” en faisant attention à propre verbalisation et en essayant de remplacer les négations par les propositions et conseils. Ne pas entrer en rapport de force avec l’enfant et lui permettre de s’affirmer positivement permet de remplacer l’opposition et d’apprendre le respect de soi.
L’apprentissage des émotions, les nommer et les reconnaître chez l’autre, aide l’enfant à se canaliser et à anticiper la réaction d’autrui. Elle est possible à partir de deux ans, et peut être favorisée par plusieurs activités comme les livres qui en parlent, la mise en scène dans un jeu de marionnettes, … Quand un enfant rencontre une émotion, l’adulte peut alors l’identifier à celle de l’autre et faire référence à sa manière de la gérer.
Le jeu du souffle sur la plume peut aussi aider l’enfant à calmer sa respiration de manière ludique.
Réaction à la morsure
Jusqu’à 18 mois, l’enfant explore par la bouche. Sa morsure peut alors être un geste d’exploration. Elle peut aussi être une réaction à la pousse des dents douloureuses (entre le 8ème mois et trois ans) ou à la proximité physique insupportée. Lorsqu’il vit des tensions dans son quotidien (naissance, déménagement, intégration à la garderie, parent absent, environnement trop ou pas assez stimulant) l’enfant réagit parfois par un comportement régressif, par déprivation, dont la morsure.
L’adulte doit alors exprimer clairement l’interdit, décoder la frustration qui en est la cause, la verbaliser. Il est important que l’enfant se sente compris dans sa détresse tout en se voyant expliquer que la morsure n’est pas un comportement acceptable pour y répondre. On encourage ensuite l’enfant dans la verbalisation de ses sentiments en le félicitant quand il y arrive.
L’enfant mordu ne doit pas être laissé sur le carreau, après avoir fait part de l’interdit au mordeur, il faut consoler le mordu et lui expliquer le geste de l’autre.
Gestion des agressions physiques et situations de conflits
Pour réagir de manière appropriée, il est important de comprendre les raisons qui poussent un enfant à utiliser la force physique. Cette compréhension nous guidera vers les solutions alternatives acceptables afin d’exprimer ce qu’il ressent ou de satisfaire ses besoins.
Lors d’une violence physique, il faut exprimer clairement et brièvement son désaccord et l’interdit. L’adulte console l’enfant visé par le geste agressif, puis l’agresseur si besoin (lui même victime de la non-gestion de son agressivité quand il n’a pas acquis la capacité de sollicitude), et l’on propose une solution adaptée pour résoudre son besoin.
Le retrait de l’enfant de l’activité peut aussi lui permettre de se calmer s’il n’est pas vécu comme une punition (qui aboutirait à laisser l’enfant seul avec sa frustration sans l’aider). Il faut alors lui signifier qu’il nous met en difficulté, qu’il ne veut pas des solutions que l’on lui propose, et lui proposer la méthode de la tortue
pour le laisser se calmer et faire redescendre sa colère, qu’il peut jouer seul et qu’il pourra revenir jouer avec les autres quand il sera prêt.
Une évidence : il a besoin d’apprendre ; à demander pour obtenir, à partager, à tolérer l’attente, la notion de délais, à tolérer ses frustrations, à s'affirmer, tolérer ses limites, à vivre ses succès, à accepter de faire des erreurs…
L’adulte a un rôle central dans ces apprentissages de l’enfant, par mimétisme, explication, proposition de jeux, mise en place de situations.
Le jeu au service du développement social du jeune enfant
Le jeu adapté à l’âge de l’enfant lui permet de développer sa relation avec l’autre et ses habiletés sociales.
Certains jeux permettent de réduire le comportement agressif de l’enfant. Ils facilitent le passage du geste agressif à son expression symbolique. La présence de l’adulte reste nécessaire pour freiner les élans moteurs de l’enfant lorsqu’il n’y arrive pas seul, et lui faire prendre conscience que le jeu n’est possible que lorsque tout le monde s’y amuse.
Conclusion
“Un bébé seul ça n’existe pas” Donald WINNICOTT
“Le rôle de l’adulte consiste à amener l’enfant à évoluer vers la réalité, à prendre contact avec les contraintes inhérentes à la vie en société” p 37
L’accompagnement efficace vers la socialisation se caractérise dans sa cohérence et sa stabilité pour favoriser l’autonomie et l’identité. Quel que soit l’âge de l’enfant, il faut comprendre, décoder et verbaliser ses besoins et ses sentiments pour avoir la réaction appropriée.
Quand on fait face à un enfant au “comportement agressif”, c’est le comportement des adultes qui l’entoure qui doit être remis en question, pas l’enfant.
Pour aller plus loin, je dirai que bien heureux nous sommes d’avoir des enfants agressifs. Comme le disait le Dr. Winnicott, c’est un signe d’espoir. La perte de l’agressivité ne mène t-elle pas à l’hospitalisme ?
Comentários